Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/59

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prince lui donnait pour mot d’ordre tantôt Vénus, tantôt Priape, accusant ce guerrier d’infâmes complaisances dans des termes toujours nouveaux ; et lui-même, en robe transparente, portait une riche chaussure et des bracelets. Chérea fut contraint de recourir au fer pour se soustraire à ces consignes insultantes. Le premier d’entre les conjurés, il porta la main sur l’empereur, le premier il lui fendit d’un seul coup la tête ; puis mille autres épées vinrent de toutes parts achever de venger les injures des citoyens et de la patrie. Mais le premier qui agit en homme fut celui qui avait paru le moins être homme.

Ce Caligula ne voyait dans tout que des offenses : aussi incapable de les souffrir qu’avide de les faire, il s’emporta, contre Herennius Macer, qui l’avait salué sous le nom de Caïus36 ; et le premier centurion eut à se repentir de l’avoir appelé Caligula37. On sait que, né dans les camps, il n’était bien connu du soldat que sous ce nom-là, et sous celui d’enfant des légions ; mais Caligula lui parut une satire et un outrage dès qu’il eut chaussé le cothurne.

Ce sera donc une consolation de réfléchir que, notre indulgence oubliât-elle de se venger, il se trouvera quelqu’un qui châtie le provocateur, le superbe, d’où nous est venue l’injure ; car de tels êtres n’épuisent pas leur fiel sur un seul homme et dans une seule attaque. Jetons les yeux sur les exemples de ceux dont nous louons la patience, sur un Socrate, qui, assistant avec la foule aux comédies où il était baffoué, prit la chose de très-bonne grâce, et ne rit pas moins que le jour où sa femme Xantippe l’arrosa tout entier d’eau infecte38. On reprochait à Antisthène d’être né d’une étrangère, sa mère étant