Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/91

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Cependant il ne faut pas pardonner sans discernement ; car, lorsque toute distinction entre le bien et le mal est effacée, le désordre naît et le vice fait irruption. On doit donc procéder avec mesure, et distinguer les esprits susceptibles de retour au bien de ceux qui sont désespérés. Il faut que la clémence ne soit ni prodiguée ni trop restreinte ; car il y a autant de cruauté à pardonner à tous qu’à n’épargner personne. Il faut conserver un juste équilibre ; mais comme il est difficile d’y parvenir, s’il doit y avoir excès d’un côté, que ce soit en faveur de l’humanité que l’on voie pencher la balance.

III. Mais ces vérités trouveront ailleurs leur place. Maintenant je diviserai mon sujet en trois parties : la première servira d’introduction ; dans la seconde, j’exposerai la nature et les attributs de la clémence ; car, comme il y a des vices qui imitent les vertus, on ne peut distinguer les uns des autres qu’en déterminant les caractères qui leur sont propres : en troisième lieu, je rechercherai comment l’âme arrive à cette vertu, comment elle s’y affermit, et comment elle se la rend propre par l’usage qu’elle en fait. Que la clémence soit de toutes vertus celle qui convient le mieux à l’homme, comme étant la plus humaine, c’est une vérité évidente, non seulement parmi nous8, qui voulons que l’homme soit considéré comme un être sociable, né pour le bien général, mais encore parmi ceux qui abandonnent l’homme à la volupté, et dont les paroles, comme les actions, n’ont d’autre but que l’intérêt personnel ; car si l’homme doit rechercher le calme et le repos, la vertu la plus appropriée à sa nature est celle qui chérit la paix et qui retient le bras prêt à frapper. Mais ceux à qui la clémence convient le mieux, ce sont les rois et les princes. Une grande