Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettres, comme disaient nos pères, ces éléments qu’on enseigne à l’enfance ne sont pas les arts libéraux dont l’étude va suivre, mais leur préparent la place ; ainsi les arts libéraux ne mènent pas jusqu’à la vertu, mais en facilitent les voies.

Posidonius partage les arts en quatre classes : arts vulgaires et infimes, arts d’agrément, arts éducateurs, arts libéraux. Les premiers, attributs de l’artisan, purement manuels, s’occupent de fournir aux besoins de l’existence : là rien qui offre l’apparence du beau ni de l’honnête. Les arts d’agrément ont pour but le plaisir des yeux et des oreilles. À quoi l’on peut rattacher les conceptions du machiniste, ces échafaudages de théâtre qui surgissent comme par enchantement, ces décorations qui montent sans bruit dans les airs, et ces changements inattendus où des masses réunies se disjoignent, séparées se rapprochent spontanément, s’élèvent pour s’abaisser ensuite insensiblement sur elles-mêmes, choses dont s’éblouit une foule ignorante que tout effet soudain, dont elle ne connaît pas les causes, jette dans l’ébahissement. Les arts éducateurs, que les Grecs appellent encycliques, ont quelque ressemblance avec les arts libéraux dont ils portent le nom parmi nous. Toutefois il n’est d’arts libéraux, ou pour mieux dire, libres, que ceux qui ont pour objet la vertu.

« Mais, dit-on, tout comme il y a dans la philosophie la partie naturelle, la partie morale et la partie rationnelle, la classe des arts libéraux y réclame à son tour une place. Quand il s’agit de questions de physique, on s’appuie du témoignage de la géométrie. Elle fait donc, comme auxiliaire, partie de cette science. » Eh ! que d’auxiliaires nous avons, qui ne font point partie de nous-mêmes ? Je dis plus : s’ils en faisaient partie, ils ne seraient point auxiliaires. La nourriture est l’auxiliaire du corps et pourtant n’en fait point partie. La géométrie nous rend des services ; mais la philosophie n’a besoin d’elle que comme elle a besoin du mécanicien ; elle ne fait pas plus partie de la philosophie que le mécanicien de la géométrie. Ces deux sciences d’ailleurs ont chacune leurs limites. Le philosophe recherche et découvre les causes naturelles ; le géomètre s’applique à les supputer et par nombres et par mesures. Le principe constituant des corps célestes, leur action, leur nature, voilà la science du philosophe ; leurs cours, leurs retours, l’observation des lois spéciales suivant lesquelles ils descendent, s’élèvent et parfois semblent stationnaires, bien qu’ils ne puissent s’arrêter jamais, tout cela est recueilli par le ma-.