Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/287

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tymologie même du mot l’indique clairement. Quelques-uns ont défini la sagesse la science des choses divines et humaines. D’autres y ont ajouté : et de leurs causes ; adjonction superflue, ce me semble : car les causes ici font partie des choses mêmes. La philosophie aussi a été diversement définie : on l’a nommée tantôt l’étude de la vertu, tantôt l’étude propre à corriger l’âme, tantôt la recherche de la droite raison. Il est demeuré à peu près constant qu’il y a quelque différence entre la philosophie et la sagesse : car il ne se peut faire que l’objet poursuivi et le poursuivant soient identiques. Il y a grande différence entre l’avarice et l’argent, puisque l’une désire et que l’autre est désiré ; de même entre la philosophie et la sagesse. Celle-ci est l’effet et la récompense de celle-là ; l’une est le terme où marche l’autre. La sagesse est ce que les Grecs appellent σοφίαν, expression usitée aussi chez nos pères, comme chez nous celle de philosophie. C’est ce que prouvent nos vieilles comédies nationales et les mots inscrits sur la tombe de Dossennus :

    Arrête, voyageur,
Et lis de Dossennus quelle fut la sagesse.


Bien que la philosophie soit l’étude de la vertu, dont elle se distingue comme le moyen de la fin, quelques stoïciens n’ont pas cru pourtant qu’on pût les séparer, vu qu’il n’y a pas de philosophie sans vertu, ni de vertu sans philosophie. La philosophie est l’étude de la vertu, mais par la vertu même : or la vertu ne peut exister sans l’étude d’elle-même, ni l’étude de la vertu, sans la vertu. Car il n’en est point ici comme du but qu’on s’exerce à frapper de loin : ailleurs se trouve le point d’attaque, ailleurs le point de mire ; il n’en est pas comme des chemins qui conduisent à une ville, et qui sont en dehors. On n’arrive à la vertu que par elle-même. La philosophie et la vertu ont donc entre elles un lien commun.

La philosophie se compose de trois parties, selon les autorités les plus graves et les plus nombreuses : la science morale, la science naturelle et la science logique. La première forme le cœur ; la seconde étudie la nature ; la troisième éclaircit les propriétés des mots, leur composition, et les moyens d’argumentation pour que le faux ne se glisse point à la place du vrai. Au reste, il s’est trouvé des auteurs qui réduisaient cette division, et d’autres qui l’étendaient. Quelques péripatéticiens y joignirent une quatrième partie, la science civile, attendu que celle-ci exige une pratique spéciale et s’occupe de matières étrangères aux