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QUESTIONS NATURELLES.

œil n’aperçoit point les intervalles des gouttes de pluie, et ne peut distinguer à une telle distance cette infinité d’images si ténues. Il est hors de doute que l’arc- en-ciel est l’image du soleil, reçue dans une nuée concave et gonflée de pluie. La preuve en est qu’il se montre toujours à l’opposite du soleil, au haut du ciel ou à l’horizon, suivant que l’astre s’abaisse ou s’élève, et en sens contraire. Le soleil descend-il ? le nuage est plus haut ; monte-t-il ? il est plus bas. Souvent il se trouve latéral au soleil ; mais, ne recevant pas directement son empreinte, il ne forme point d’arc. Quant à la variété des teintes, elle vient uniquement de ce que les unes sont empruntées au soleil, les autres au nuage même. Ce nuage offre des bandes bleues, vertes, purpurines, jaunes et couleur de feu, variété produite par deux seules teintes, l’une claire, l’autre foncée. Ainsi du même coquillage ne sort pas toujours la même nuance de pourpre. Les différences proviennent d’une macération plus ou moins longue, des ingrédients plus épais ou plus liquides dont on a saturé l’étoffe, du nombre d’immersions et de coctions qu’elle a subies, si enfin on ne l’a teinte qu’une fois. Il n’est donc pas étrange que le soleil et un nuage, c’est-à-dire un corps et un miroir, se trouvant en présence, il se reflète une si grande variété de couleurs qui peuvent se diversifier en mille nuances plus vives ou plus douces. Car, autre est la couleur que produit un rayon igné, autre celle d’un rayon pâle et effacé. Partout ailleurs nous tâtonnons dans nos recherches, quand nous n’avons rien que la main puisse saisir, et nos conjectures doivent être plus aventurées : ici on voit clairement deux causes, le soleil et le nuage ; l’iris n’ayant jamais lieu par un ciel tout à fait pur ou assez couvert pour cacher le soleil, il est donc l’effet de ces deux causes, puisque l’une manquant, il n’existe pas.

IV. Il suit de là, chose non moins évidente, qu’ici l’image est renvoyée comme par un miroir, car elle ne l’est jamais que par opposition, c’est-à-dire, lorsque en face de l’objet visible se trouve l’objet répercutant. Des motifs non de persuasion, mais de conviction forcée, en sont donnés par les géomètres ; et il ne reste douteux pour personne que si l’iris reproduit mal l’image du soleil, c’est la faute du miroir et de sa configuration. À notre tour, essayons d’autres raisonnements qu’on puisse saisir sans difficulté. Je compte, entre autres preuves du développement défectueux de l’iris, la soudaineté de ce développement : un moment déploie dans l’espace ce vaste corps, ce tissu de nuances magnifiques ; un moment le