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QUESTIONS NATURELLES.

fussent bien avides ou cruels : un poinçon bien affilé piquait le doigt jusqu’au sang, et telle était la libation. Et la grêle ne se détournait pas moins du champ de ce pauvre homme que de celui où de plus riches sacrifices l’avaient conjurée.

VII. D’où vient cela ? demandent quelques personnes. Les unes, comme il convient aux vrais sages, disent qu’il est impossible à qui que ce soit de faire un pacte avec la grêle et de se racheter de l’orage par de légères offrandes, bien que les dieux mêmes se laissent vaincre par des présents. Les autres supposent dans le sang une vertu particulière qui détourne les nuages et, les repousse. Mais comment y aurait-il dans ce peu de sang une vertu assez forte pour pénétrer si haut et agir sur les nuages ? N’était-il pas bien plus simple de dire : « Mensonge et fable que cela ! » Mais à Cléone, on rendait des jugements contre ceux qui étaient chargés de prévoir l’orage, lorsque, par leur négligence, les vignes avaient pâti ou que les moissons étaient couchées par terre. Et, chez nous, les douze Tables ont prévu le cas où quelqu’un frapperait d’un charme les récoltes d’autrui. Nos grossiers ancêtres croyaient qu’on attirait ou repoussait les pluies par des enchantements, toutes choses si visiblement impossibles, qu’il n’est besoin, pour s’en convaincre, d’entrer dans l’école d’aucun philosophe.

VIII. Je n’ajouterai plus qu’une chose à laquelle tu adhéreras et applaudiras volontiers. On dit que la neige se forme dans la partie de l’atmosphère qui avoisine la terre, vu que cette partie est plus chaude, par trois raisons. D’abord, toute évaporation de la terre, ayant en soi beaucoup de molécules ignées et sèches, est d’autant plus chaude qu’elle est plus récente. Ensuite, les rayons du soleil sont répercutés par la terre et se replient sur eux-mêmes. Cette réflexion échauffe tout ce qui est près de la terre, et y envoie d’autant plus de calorique, que le soleil s’y fait doublement sentir. En troisième lieu, les hautes régions sont plus battues des vents, tandis que les plus basses y sont moins exposées.

IX. Joins à cela un raisonnement de Démocrite : « Plus un corps est solide, plus il reçoit vite la chaleur, et plus longtemps il la conserve. » Mets au soleil un vase d’airain, un de verre et un d’argent, la chaleur se communiquera plus vite au premier et y restera plus longtemps. Voici, en outre, les raisons de ce philosophe pour croire qu’il est ainsi : « Les corps plus durs, plus compactes, plus denses que les autres, ont nécessairement, dit-il, les pores plus petits, et l’air y pénètre