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QUESTIONS NATURELLES.

Ou, pour les énumérer en moins de mots, fais ce qui n’est nullement faisable, réunis-les en une seule tempête :

L’Eurus et le Notus, l’Africus orageux,
Tous s’élancent…[1],


et le quatrième, quoiqu’il ne fût pas de la mêlée, l’Aquilon. D’autres comptent douze vents : ils subdivisent en trois chacune des quatre parties du ciel, et adjoignent à chaque vent deux subalternes. C’est la théorie du judicieux Varron ; et cet ordre est rationnel. Car le soleil ne se lève ni ne se couche pas toujours aux mêmes points. À l’équinoxe, qui a lieu deux fois l’an, son lever, son coucher ne sont pas les mêmes qu’au solstice d’hiver ou au solstice d’été. Le vent qui souffle de l’orient équinoxial s’appelle en notre langue Subsolanus et en-grec Apheliotès. De l’orient d’hiver souffle l’Eurus, qui, chez nous, est Vulturne. Tite Live lui donne ce nom dans le récit de cette bataille funeste aux Romains, où Annibal sut mettre notre armée en face tout à la fois du soleil levant et du Vulturne, et nous vainquit, ayant pour auxiliaires le vent et ces rayons dont l’éclat éblouissait les yeux de ses ennemis. Varron aussi se sert du mot Vulturne. Mais Eurus a déjà droit de cité, et ne se produit plus dans notre idiome à titre d’étranger. De l’orient solsticial nous arrive le Cæcias des Grecs, qui, chez nous, n’a point de nom. L’occident équinoxial nous envoie le Favonius, que ceux même qui ne savent pas le grec vous diront s’appeler Zéphyre. L’occident solsticial enfante le Corus, nommé par quelques-uns Argestès, ce qui ne me semble pas juste ; car le Corus est un vent violent, qui ne porte ses ravages que dans une seule direction ; tandis que l’Argestès est ordinairement doux, et se fait sentir à ceux qui vont comme à ceux qui reviennent. De l’occident d’hiver se rue l’Africus, le vent furibond que les Grecs ont nommé Lips. Dans le flanc septentrional du monde, du tiers le plus élevé souffle l’Aquilon ; du tiers qu’occupe le milieu, le Septentrion ; et du tiers le plus bas, le Thrascias, pour lequel nous n’avons pas de nom. Au midi se forment l’Euro-Notus, le Notus en latin Auster, et le Libo-Notus, innommé chez nous.

XVII. J’adopte cette division en douze vents ; non qu’il y en ait partout autant, car l’inclinaison du terrain en exclut souvent quelques-uns, mais parce qu’il n’y en a nulle part davantage.

  1. Virg., Énéide, I, 85.