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QUESTIONS NATURELLES.

cette masse ne descend-elle pas, ne se brise-t-elle pas par son poids ? Car il ne peut se faire que cette voûte énorme, ces hauts lambris d’Artémidore, pendent ainsi et n’aient qu’un fluide léger pour appui. On ne dira même pas que certains liens les retiennent extérieurement et empêchent leur chute, ni qu’entre eux et nous il y ait des supports sur lesquels ils pèsent et s’étayent. On n’osera pas dire non plus que le monde est emporté dans l’immensité, et qu’il tombe éternellement sans qu’il y paraisse, grâce à la continuité même de sa chute, qui n’a pas de terme où aboutir. C’est ce qu’on a dit de la terre, faute de pouvoir expliquer comment cette masse demeurerait. fixe au milieu des airs. Elle tombe éternellement, dit-on ; mais on ne s’aperçoit pas de sa chute, parce qu’elle s’opère dans l’infini. Qui vous autorise ensuite à conclure que le nombre des planètes n’est pas borné à cinq, qu’il y en a une foule d’autres, et sur une foule de points ? Si vous n’avez pour cela aucun argument plausible, pourquoi ne vous répondrait-on pas que toutes les étoiles sont errantes ou qu’aucune ne l’est ? Enfin, toute cette multitude d’astres vagabonds vous est d’une faible ressource ; car, plus il y en aura, plus leurs rencontres seront fréquentes ; or, les comètes sont rares, et c’est pour cela qu’elles étonnent toujours. D’ailleurs, le témoignage de tous les siècles s’élève contre vous ; car tous ont observé l’apparition de ces astres et en ont instruit la postérité.

XV. Après la mort de Démétrius, roi de Syrie, père de Démétrius et d’Antiochus, peu avant la guerre d’Achaïe, brilla une comète aussi grande que le soleil. C’était d’abord un disque d’un rouge enflammé, une lumière assez éclatante pour triompher de la nuit. Insensiblement elle diminua de grandeur, son éclat s’affaiblit ; enfin, elle disparut totalement, Combien faut-il donc d’étoiles réunies pour former un si grand corps ? De mille étoiles n’en faites qu’une, elles n’égaleront pas la grosseur du soleil. Sous le règne d’Attale on vit une comète, petite d’abord, qui ensuite s’éleva, s’étendit, s’avança jusqu’à l’équateur, et grossit au point d’égaler, par son immense diffusion, cette plage céleste qu’on nomme Voie lactée. Combien encore n’a-t-il pas fallu d’étoiles errantes pour remplir d’un feu continu un si grand espace du ciel ?

XVI. Maintenant que j’ai réfuté les raisonnements, combattons les témoins. Je n’aurai pas grand’peine à dépouiller Euphorus de son autorité ; c’est un historien. Or, il en est qui vont relatant des choses incroyables pour se faire valoir, et comme le lec-