Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/258

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en paraissant nuire. On expose au feu, pour le redresser, le javelot tordu, on le comprime entre plusieurs coins, non pour le rompre, mais pour l’étendre : de même par les peines du corps et de l’esprit nous corrigeons nos penchants vicieux. Ainsi, dans la maladie naissante, le médecin tente d’abord de modifier quelque peu le régime ordinaire, de raffermir la santé par de légers changements dans la manière de vivre, de régler l’ordre, et, au besoin, la nature du boire, du manger, des exercices. Si ces deux moyens échouent, il retranche sur les exercices comme sur les aliments. Cette suppression demeure-t-elle sans effet ? il interdit toute nourriture, et débarrasse le corps par la diète. Si tous ces ménagements sont inutiles, il perce la veine, il porte le fer sur la partie infectée, qui peut nuire aux membres voisins et propager la contagion ; nul traitement ne lui semble trop dur, si la guérison est à ce prix. Ainsi le dépositaire des lois, le régulateur des États, devra, le plus longtemps possible, n’employer à la guérison des âmes, que des paroles, et des paroles de douceur, qui les engagent au bien, qui leur insinuent l’amour du juste et de l’honnête, qui leur fassent sentir l’horreur du vice et le prix de la vertu. Son langage deviendra plus sévère peu à peu ; il joindra au conseil l’autorité de la réprimande, et n’usera de châtiments que comme dernier remède ; encore seront-ils modérés et rémissibles. La peine capitale ne s’infligera qu’aux grands coupables : nul, en un mot, ne périra que sa mort ne soit un bien même pour lui.

VI. Du médecin au magistrat, toute la différence est que le premier, s’il ne peut sauver nos jours, nous aplanit le passage