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A LUCILIUS. — XCIII.

plus long terme qu’une avide espérance pouvait me promettre ; j’ai regardé au contraire chaque jour comme le dernier de ma vie. Pourquoi me demander mon âge ? Est-ce pour me compter encore au nombre des plus jeunes ? J’ai mon compte. Une petite taille n’empêche pas un homme d’être bien constitué : ainsi, dans un court espace d’années, la vie peut être pleine et entière. L’âge est une condition tout à fait en dehors. La durée de ma vie ne dépend pas de moi ; mais tant qu’elle dure, il m’appartient d’être hooime de bien. Vous pouvez exiger de moi que je ne passe point ma vie dans une honteuse obscurité ; de vivre, et non de traverser la vie.

Vous me demandez quelle est la vie la plus étendue ? C’est celle qui s’élève jusqu’à la sagesse ; l’homme qui en est là, a atteint, non pas le but le plus éloigné, mais le but principal. Alors il peut se glorifier hardiment, rendre grâces aux dieux, et, confondu avec eux, s’attribuer à soi-même, aussi bien qu’à la nature, l’honneur de ce qu’il a été ; et certes, on ne pourra l’accuser de présomption : il a rendu à la nature une vie meilleure qu’il ne l’avait reçue. Il a laissé après lui le modèle de l’homme de bien ; il l’a montré dans toute sa perfection, dans toute sa grandeur ; s’il eût pu ajouter à ses années, ce surcroît aurait été semblable au passé. Combien peu de temps vivons-nous !

et cependant nous avons joui de la connaissance de

toutes les choses de ce monde. Nous savons les principes constitutifs de la nature ; l’ordre qu’elle a établi dans le monde ; par quelles révolutions elle renouvelle l’année ; comment elle renferme l’assemblage de tous les êtres, sans avoir d’autres bornes qu’elle-même. Nous savons que les astres sont emportés par un mouvement qui leur est propre ; qu’il n’y a rien d’im-