Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/274

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elle aime, elle caresse son erreur ; elle ne veut pas en demeurer convaincue ; et l’opiniâtreté lui paraît plus honorable que le repentir.

Cn. Pison fut dans ces derniers temps un homme irréprochable à beaucoup d’égards mais c’était un esprit faux, et qui prenait l’inflexibilité pour la fermeté. Dans un moment de colère, il avait condamné à mort un soldat comme meurtrier de son camarade sorti du camp avec lui pour le service des vivres, et sans lequel il revenait. L’infortuné demande un sursis pour aller aux recherches, il est refusé. On le conduit, d’après la sentence, hors des lignes du camp, et déjà il tendait sa tête, quand soudain reparaît celui qu’on croyait assassiné. Le centurion préposé au supplice ordonne à l’exécuteur de remettre son glaive dans le fourreau, et ramène le condamné à Pison, voulant rendre au juge son innocence, comme la fortune l’avait rendue au soldat. Une foule immense escorte les deux camarades, qui se tiennent l’un l’autre embrassés : toute l’armée est au comble de la joie. Pison s’élance en fureur sur son tribunal, il voue à la fois au supplice et le soldat non coupable du meurtre, et celui qui n’avait pas été assassiné. Quelle indignité ! parce que l’un est justifié, tous deux mourront ! Pison ajoute encore une troisième victime : le centurion lui-même, pour avoir ramené un condamné, partagera son sort ! Voilà trois malheureux condamnés à périr au même endroit à cause de l’innocence d’un seul. Que la colère est ingénieuse à se forger des motifs de sévir ! Toi, je te condamne, parce que tu l’es déjà ; toi, parce que tu es cause de la condamnation d’un camarade ; et toi, centurion, parce que, chargé d’exécuter l’arrêt, tu n’as