Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ment affreux, haïssable, le moins fait pour le cœur de l’homme, lui qui, par ses bons traitements, se plaît à apprivoiser même les plus farouches animaux. Voyez l’éléphant courber sa tête sous le joug ; le taureau laisser impunément sauter sur son dos des enfants et des femmes ; des serpents glisser et se jouer innocemment sur nos tables et dans notre sein ; en nos maisons, des lions et des ours livrer patiemment leurs gueules à l’homme, rendre à la main qui les flatte caresses pour caresses, et rougissez de laisser vos mœurs aux animaux pour prendre les leurs.

C’est un sacrilège de nuire à la patrie, par conséquent à un concitoyen ; il est membre de la patrie : quand le tout est sacré, les parties ne le sont pas moins. L’homme est donc tenu de respecter l’homme, qui est pour lui concitoyen de la grande cité. Qu’arriverait-il, si nos mains voulaient faire la guerre à nos pieds, et nos yeux à nos mains ? L’harmonie règne entre les membres du corps humain, parce que tous sont intéressés à la conservation de chacun ; de même les hommes doivent s’épargner les uns les autres, parce qu’ils sont nés pour la société, laquelle ne saurait subsister sans l’appui mutuel et bienveillant de ceux qui la composent. Les vipères mêmes et certains reptiles, funestes par leurs coups ou leurs morsures, on ne les écraserait pas si, comme d’autres races, elles s’apprivoisaient et pouvaient cesser d’être malfaisantes pour nous et pour autrui. Ainsi nous ne punirons pas parce qu’on a péché, mais afin qu’on ne pèche plus. La peine envisagera toujours l’avenir, et jamais le passé : ce ne sera pas une œuvre de colère, mais de prévoyance. S’il fallait punir tout naturel dépravé et tourné au mal, le châtiment n’excepterait personne.