Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/346

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veine. Marius méritait sans doute de souffrir ces tourments ; Sylla de les ordonner, Catilina d’y prêter ses mains ; mais qu’avait fait la république pour se voir percer le sein tour à tour, et par des fils dénaturés et par d’hypocrites vengeurs ?

Mais pourquoi remonter aux temps anciens ? Naguère Caligula fit, dans la même journée, battre de verges et torturer Sextus Papinius, fils de consulaire ; Bétiliénus Bassus, questeur impérial, fils d’un intendant du prince ; tant d’autres sénateurs, tant de chevaliers, et cela, non pour en tirer quelque aveu, mais par passe-temps. Impatient de tout ce qui différait ses affreuses jouissances, que sa cruauté voulait promptes et complètes, ce fut en se promenant au milieu d’un groupe de femmes et de sénateurs dans cette partie des jardins de sa mère qui sépare le fleuve de la galerie du palais, qu’il fit venir quelques— unes des victimes pour les décoller à la lueur des flambeaux. Qui le pressait ? Quel danger public ou personnel lui eût fait courir le délai d’une nuit ? Que lui coûtait-il d’attendre l’aurore, de quitter enfin sa chaussure de table, pour mettre à mort des sénateurs romains ?

XIX. Jusqu’où allait son insolente cruauté ? il n’est pas hors de propos de le faire connaître. Bien que cette digression puisse sembler étrangère et hors de mon sujet, elle prouve toutefois que cet orgueil est un des attributs de la colère, quand dans sa rage elle passe toutes les bornes. Caligula avait fait battre de verges des sénateurs ; mais, grâce à ses faits précédents, on pouvait dire : c’est l’usage. Il avait, pour les torturer, employé ce que la nature offrait de plus horrible, les tables hérissées de clous, les cordes, les chevalets, le feu, et, ce qui était pis, son