Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comment suffire à des exigences sans bornes, quand tous voulaient avoir ce qu’un seul pouvait posséder ? Et voilà pourquoi César vit en plein sénat se lever contre lui les poignards de ses compagnons d’armes, de Tullius Cimber, naguère son plus chaud partisan, et de tant d’autres, qui, après la mort de Pompée, s’étaient faits pompéiens.

XXXI. Voilà pourquoi des rois ont vu se tourner contre eux les armes de leurs satellites ; voilà pourquoi leurs plus fidèles amis, ceux qui souhaitaient de mourir pour eux et avant eux, ont pu changer au point de conspirer leur trépas.

Personne n’est content de son lot, quand il jette les yeux sur les avantages d’autrui. De là contre les dieux notre colère, fondée sur ce qu’un seul nous devance : nous oublions combien de gens viennent après nous ; et jaloux de quelques-uns, nous ne voyons pas quelle foule nous avons derrière nous pour nous porter envie. Telle est l’importune avidité des hommes : on a beau leur donner beaucoup, on leur fait tort de tout ce qu’on pouvait leur donner au delà. — Il m’a accordé la préture, mais j’espérais le consulat. Il m’a donné les douze faisceaux, mais il ne m’a pas fait consul ordinaire. Il a bien voulu que l’année datât de mon nom, mais il ne me porte pas au sacerdoce. Je suis élu pontife ; mais pourquoi dans un seul collège ? Rien ne manque à mes dignités ; mais en quoi a-t-il augmenté mon patrimoine ? Il m’a donné ce qu’il ne pouvait se dispenser de donner à quelqu’un : mais il n’y a rien mis du sien. — Eh ! remercions plutôt de ce que nous venons d’obtenir ; attendons le reste, applaudissons-nous de n’être pas encore comblés, et comptons pour une bonne fortune de pouvoir espérer