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LETTRES DE SÉNÈQUE

sentencieuse. Telles sont ces maximes de Caton : « Achetez, non ce qui vous est utile, mais ce qui vous est nécessaire. Ce qui est inutile, ne coûtât-il qu’un as, est encore trop cher. » Tels encore ces oracles, et autres semblables : « Soyez avare du temps. Connaissez-vous ! » Irez-vous demander des preuves quand on vous citera :

L’oubli est le remède des injures.
La fortune favorise l’audace.
Le paresseux nuit à sou propre bien.

Ces maximes n’ont pas besoin d’avocat pour les défendre : elles vont à l’âme, et nous profitent par leur force naturelle. Les âmes portent en elles les semences de tous les sentiments honnêtes ; les admonitions les développent, comme l’étincelle, réveillée par un léger souffle, laisse échapper le feu qu’elle contient. La vertu, pour se réveiller, n’a besoin que d’un signe, d’une impulsion donnée. De plus, certaines vérités, quoiqu’elles se trouvent dans l’âme, ne se présentent que lorsqu’elles sont formulées par des paroles. D’autres sont éparses et disséminées ; l’âme ne peut les rassembler sans se donner quelque exercice. Il faut donc les réunir, les classer, pour leur imprimer plus de force, et pour qu’elles servent mieux l’entendement. Autrement, si les préceptes sont inutiles, il faut supprimer toute éducation et s’en tenir à la nature. Ceux qui parlent ainsi ne considèrent pas que les uns ont l’esprit vif et pénétrant ; les autres, lent et obtus ; et qu’ainsi les uns ont plus de sagacité que les autres. L’énergie de l’esprit qui s’alimente et s’accroît par l’influence des préceptes, ajoute