Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/384

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raison juste, le mal dont je me plains, ce n’est pas la tempête qui me tourmente, mais le mal de mer. Délivrez-moi donc de ce mal quel qu’il soit, et secourez le passager qui en souffre en vue du port. »

II. Et moi aussi, je l’avoue, mon cher Serenus, depuis longtemps je cherche secrètement en moi-même à quoi peut ressembler cette pénible situation de mon âme ; et je ne saurais mieux la comparer qu’à l’état de ceux qui, revenus d’une longue et sérieuse maladie, ressentent encore quelques frissons et de légers malaises. Délivrés qu’ils sont des autres symptômes, ils se tourmentent de maux imaginaires ; quoique bien portants, ils présentent le pouls au médecin, et prennent pour de la fièvre la moindre chaleur du corps. Ces gens-là, Serenus, ne laissent pas d’être réellement guéris, mais ils ne sont pas encore accoutumés à la santé ; leur état ressemble à l’oscillation d’une mer tranquille ou d’un lac qui se repose d’une tempête. Ainsi vous n’avez plus besoin de ces remèdes violents, par lesquels nous avons passé, et qui consistent à faire effort sur vous-même, à vous gourmander, à vous stimuler fortement. Il ne vous faut plus que ces soins qui viennent en dernier, comme de prendre confiance en vous-même, de vous persuader que vous marchez dans la bonne voie, sans vous laisser détourner par les traces confuses de cette foule qui court çà et là sur vos pas, ou qui s’égare aux bords de la route que vous suivez. Ce que vous désirez est quelque chose de grand, de sublime, et qui vous rapproche de Dieu, c’est d’être inébranlable.

Cette ferme assiette de l’âme, appelée chez les Grecs , et sur laquelle Démocrite a composé un excellent livre, moi, je