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A LUCILIUS. — XCIV.

humaine. Or, on y parvient lentement. En attendant, il faut à l’homme, encore imparfait, mais en progrès, montrer le chemin qu’il doit suivre et comment il doit agir. Peut-être ce chemin sera-t-il, sans le secours des avertissements, découvert par la seule sagesse qui a déjà conduit l’âme au point de ne pouvoir faire un pas sans aller droit. Cependant les esprits les plus faibles ont besoin d’un guide qui les précède, et qui leur dise : « Évitez ceci, faites cela. » De plus, l’homme qui attend le moment où par lui-même il saura ce qu’il y a de mieux à faire, s’égarera avant de l’apprendre, et son erreur l’empêchera d’arriver à ce point de perfection où il pourrait se suffire à lui-même. Il faut donc le diriger encore, même lorsqu’il commence à pouvoir se diriger. Les enfants apprennent à écrire d’après un modèle ; une main étrangère tient leurs doigts, et les guide sur des lettres déjà tracées ; ensuite on leur enjoint d’imiter le modèle placé devant leurs yeux, et de corriger leur copie d’après cet exemple. C’est ainsi que notre âme, instruite d’après un modèle, trouve la leçon plus facile.

Voilà par quels arguments on prouve que cette partie de la philosophie n’est pas superflue.

On demande ensuite, si elle suffit seule pour former le sage. Nous traiterons cette question un autre jour. En attendant, sans argumenter davantage, n’est-il pas clair qu’il nous faut un tuteur qui nous donne des préceptes contraires à ceux du peuple ? Nulle parole n’arrive impunément à nos oreilles. Et ceux qui font des vœux pour nous, et ceux qui en font contre nous, nous nuisent pareillement : car la malédiction des uns nous inspire des terreurs mal fondées, et l’affection des autres, tout en nous souhaitant du bien, égare notre esprit. Elle porte