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LETTRES DE SÉNÈQUE

élévation, pour eux est précipice ; aussi frémissent-ils d’effroi toutes les fois qu’ils plongent leurs regards dans l’abîme ouvert sous leur grandeur. Ils songent aux revers du sort, à leur position d’autant plus glissante qu’elle est plus élevée. Ils redoutent alors ce qu’ils ont désiré, et cette félicité même qui les fait peser sur autrui, pèse sur eux plus lourdement encore. C’est alors qu’ils font l’éloge d’un doux et indépendant loisir ; ils détestent l’éclat, et au milieu de leurs prospérités, déjà pensent à la retraite. C’est alors que vous voyez des hommes philosopher par peur, et les dégoûts de la fortune dicter des conseils de sagesse. Car il semble qu’il y ait incompatibilité entre la bonne fortune et le bon sens ; sages dans le malheur, nous valons toujours moins dans la prospérité.

XCV
LA PHILOSOPHIE DES PRÉCEPTES NE SUFFIT PAS POUR FAIRE NAITRE LA VERTU : IL FAUT ENCORE DES PRINCIPES GÉNÉKAUX.

Vous me priez de traiter, sans plus attendre, la question que j’avais remise à un autre jour, et de vous dire « si cette branche de la philosophie, que les Grecs nomment philosophie parénétique, et nous philosophie de préceptes, suffit pour mener la sagesse à sa perfection. » — Je sais que vous prendriez un refus en bonne part. C’est précisément ce qui me fait mettre plus d’empressement à tenir ma parole et à maintenir le proverbe : « Une autre fois ne demandez pas ce que vous ne vou-