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LETTRES DE SÉNÈQUE

savoir. Car si l’on n’est de longue main instruit et dressé par la raison, on ne peut remplir toutes les conditions, ni savoir quand, jusqu’où, avec qui, ni comment il faut agir. On ne peut donc pas tendre de toute son âme à la vertu ; on ne peut le faire ni avec constance ni de bon cœur. On regarde en arrière ; on s’arrête. — « Si, dit-on, la conduite vertûeuse provient des préceptes, les préceptes suffisent au bonheur. Or, l’un est vrai ; donc l’autre l’est aussi. » — A cela nous répondons, que les actions vertueuses proviennent aussi des préceptes ; mais non des préceptes seuls.

« Si les préceptes, ajoute-t-on, suffisent aux autres arts, ils suffiront aussi à la sagesse, qui est l’art de la vie. On forme un pilote en lui disant : Voilà comment il faut mouvoir le gouvernail, disposer les voiles, profiter du vent favorable, lutter contre le vent contraire, se rendre utile un vent incertain et sans direction déterminée. Ceux qui cultivent les autres arts se forment aussi par les préceptes : ceux qui étudient l’art de vivre peuvent donc en faire autant. » — Tous les autres arts s’occupent d’objets qui servent à la vie, et non de la vie entière. Aussi rencontrent-ils beaucoup d’obstacles, d’embarras extérieurs : l’espérance, la cupidité, le découragement. Mais la sagesse, qui enseigne l’art de vivre, ne trouve rien qui puisse arrêter son action ; elle triomphe des empêchements et soulève les obstacles. Voulez-vous savoir la différence entre les autres arts, et l’art de vivre ? Dans les premiers, une erreur volontaire est plus excusable qu’une faute accidentelle ; dans le dernier, la plus grande faute est d’errer volontairement. Je m’explique. Un grammairien ne rougira point de faire un solé-