Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/102

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dessein est coupable, lors même qu’il n’a pu nuire. Je supporte vos hallucinations comme le grand Jupiter souffre dans sa bonté les impertinences des poètes qui l’ont affublé, celui-ci d’un plumage, celui-là de cornes ; qui l’ont représenté adultère et découchant ; qui en ont fait un maître cruel envers les dieux, injuste envers les hommes, ravisseur et corrupteur de nobles adolescents, de ses proches même, enfin parricide et usurpateur du trône de son roi, de son père. Tout cela n’allait à autre chose qu’à ôter aux hommes la honte de mal faire, s’ils avaient cru que les dieux fussent ainsi.

Mais si vos propos ne me blessent en rien, toutefois, c’est pour l’amour de vous que je vous avertis : respectez la vertu. Croyez-en ceux qui l’ont suivie longtemps, et qui vous crient qu’ils suivent en elle quelque chose de grand, quelque chose qui de jour en jour leur apparaît plus grand encore. Honorez-la, elle aussi bien que les dieux, et ceux qui la prêchent, aussi bien que ses pontifes ; et à chaque souvenir des livres sacrés que par moment on invoquera prêtez un silence favorable. » Cette formule n’indique pas, comme le croit la foule, une faveur qu’on réclame ; mais on