Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/94

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maudirai aucun de mes jours : j’ai pourvu à ce qu’il n’y en ait point de néfaste pour moi. Que vous dirai-je pourtant ? que j’aimerais mieux avoir à tempérer mes joies qu’à maîtriser mes douleurs. Voici ce que vous dira le grand Socrate. « Faites-moi vainqueur de toutes les nations ; que le voluptueux char de Bacchus me promène triomphant jusqu’à Thèbes depuis les lieux où naît le jour ; que les rois perses me demandent mes lois, je ne me souviendrai jamais mieux que je suis homme qu’à ce moment où toutes les voix me salueront dieu. De ce faîte de gloire, précipitez-moi par un brusque retour sur le brancard ennemi pour orner la pompe d’un triomphateur cruel et superbe : on ne me traînera pas plus humilié sous son char que quand j’étais debout sur le mien. » Que vous dirai-je pourtant ? J’aimerais mieux être vainqueur que captif. Tout le domaine de la fortune, je le dédaignerai ; mais de ce domaine, si on me donne le choix, je prendrai ce qu’il a de plus doux. Tout ce qui m’adviendra se transformera en bien ; mais je préfère des éléments plus faciles, plus agréables, moins rudes à mettre en œuvre. Car ne croyez pas qu’aucune vertu soit exempte de travail : seulement les unes ont besoin d’aiguil-