Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/149

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trembler devant Hercule même endormi ? Je veux connaître mon vainqueur, oui, je le veux.

Parais, noble rival, à qui mon père, désertant le ciel, a donné le jour après moi ; dont la naissance a coûté au monde une plus longue nuit que celle où je suis né. Quelle horreur a frappé ma vue ? mes enfants baignés dans leur sang, mon épouse égorgée ! Quel nouveau Lycus s’est emparé du trône ? qui a pu commettre un pareil forfait dans Thèbes, après que j’y suis rentré ? Habitans des bords de l’Ismène, peuples de l’Attique, peuples du Péloponnèse que deux mers baignent de leurs flots, venez à mon secours, montrez-moi l’auteur de cet horrible carnage. Ma colère va tomber sur tous : celui qui ne me dénoncera pas mon ennemi, le deviendra lui-même. Vainqueur d’Alcide, tu te caches ? Parais donc ; que tu viennes venger le tyran cruel de la Thrace, ou Géryon, à qui j’ai ravi ses troupeaux, ou les deux rois de la Libye, je suis prêt à combattre : me voici tout nu, sans armes, quand tu devrais m’attaquer avec les miennes.

Mais pourquoi Thésée évite-t-il mes regards, et mon père aussi ? Pourquoi se cachent-ils le visage ? Retenez vos pleurs. Quel est l’assassin de toute ma famille ? nommez-le-moi. Vous gardez le silence, ô mon père ? Parle donc, toi, Thésée ; parle, je l’exige de ta fidèle amitié.

Tous deux restent muets, se cachent le visage de honte, et me dérobent les larmes qui tombent de leurs yeux. Qu’y a-t-il dans ce malheur dont il faille rougir ? Est-ce que le cruel tyran d’Argos, ou la faction de Lycus