Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/175

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jour, offre sans cesse une proie nouvelle à l’insatiable faim des monstres qui le dévorent ? À quel nouveau tourment veut-on me faire passer ? Ô qui que tu sois, juge impitoyable des morts, chargé d’inventer des supplices pour les âmes coupables, s’il est possible d’ajouter à ceux que je viens de nommer, tâche d’en trouver un qui épouvante le gardien même du sombre empire, qui fasse trembler le noir Achéron, qui me glace moi-même de terreur. Il va sortir de ma famille une suite d’hommes coupables qui surpasseront les crimes de leurs pères, me feront paraître innocent au prix d’eux, et se souilleront d’attentats inouïs. Toutes les places vacantes dans le séjour des impies, ma famille les remplira. Tant qu’il restera des Pélopides, Minos n’aura point de relâche.

MÉGÈRE.

Ombre funeste, va, souffle sur ton palais détesté la rage des Furies ; qu’il s’engage entre tes descendants une lutte de crimes, et qu’ils s’arment tour-à-tour du glaive homicide. Point de mesure à leur fureur, point de honte qui les arrête : qu’une aveugle colère s’empare de leurs esprits ; que la rage des pères ne s’éteigne point avec eux, mais que leurs crimes passent, comme un héritage, à leurs fils : qu’aucun d’eux n’ait le temps de se repentir d’un attentat commis, mais qu’il en commette chaque jour de nouveaux, et que le châtiment d’un crime soit un crime plus grand. Que ces frères orgueilleux descendent du trône pour y remonter de l’exil. Que le destin de cette famille cruelle flotte indécis entre deux rois. Que le malheur succède à la puissance, la puissance au malheur ; et que leur royaume soit en proie à