Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/191

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crime atroce et horrible, tel que mon frère voulût l’avoir commis lui-même. Pour me venger de ses attentats, il me faut les surpasser. Mais quelle barbarie pourra triompher de cet homme ? a-t-il ployé la tête sous le poids des maux ? sait-il se modérer dans le bonheur, se tenir tranquille dans l’adversité ? Non, je connais son âme dure et intraitable : il ne pliera pas, mais on peut le briser. Avant donc qu’il reprenne courage et répare ses forces, il faut le prévenir et l’attaquer, afin qu’il ne profite pas de mon repos pour m’attaquer moi-même. Il faut qu’il tue ou périsse ; le crime est entre nous comme le prix de la vitesse.

LE GARDE.

Ne craignez-vous pas que l’opinion de votre peuple ne se déclare contre vous ?

ATRÉE.

Le plus beau privilège de la royauté, c’est de forcer les peuples non-seulement à souffrir, mais à louer les actions de leurs maîtres.

LE GARDE.

La même crainte qui impose la louange, enfante aussi la haine. Le roi qui cherche la gloire d’une approbation sincère, aime mieux la louange du cœur que celle des lèvres.

ATRÉE.

L’homme le plus obscur peut mériter un éloge sincère ; les puissans n’obtiennent jamais que de fausses louanges ; c’est à mes sujets de vouloir ce qu’ils ne veulent pas.