Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/195

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l’herbe d’une prairie enfermée par des murs de pierre dont le sûr rempart défend de toute atteinte le sacré troupeau. Thyeste, dans son audace criminelle, me l’a dérobé, en associant à sa perfidie la femme qui partageait mon lit. Telle fut l’origine des maux que nous nous sommes faits l’un à l’autre. J’ai erré tremblant et fugitif à travers mon propre royaume. Rien de ce qui était à moi ne fut à l’abri de ses coups perfides. Il a séduit mon épouse, troublé la fidélité de mon peuple, jeté le désordre dans ma maison, le doute sur la légitimité de mes enfans ; rien de certain que la haine d’un frère. Pourquoi hésiter ? à l’œuvre enfin ; remplis-toi de l’esprit de Tantale, et t’inspire de Pélops, voilà les exemples que je dois suivre ; parle, dis-moi comment je dois immoler mon ennemi.

LE GARDE.

Qu’il meure sous le tranchant du glaive.

ATRÉE.

Tu parles de la fin de son supplice, mais c’est sur le supplice même que je t’interroge. Tuer, c’est de la clémence ; je veux que sous mon règne la mort soit une faveur.

LE GARDE.

Êtes-vous donc inaccessible à tout sentiment d’affection ?

ATRÉE.

S’il y eut jamais un sentiment de ce genre dans notre famille, qu’il en sorte ! Que la troupe cruelle des Furies vienne sur nous, avec la terrible Érinnys, et Mégère, armée de sa double torche. La fureur n’est pas encore