Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/219

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THYESTE.

S’il m’en prie, je dois craindre ; il y a là quelque piège tendu autour de moi.

PLISTHÈNES.

On voit souvent la tendresse fraternelle rentrer dans les cœurs d’où elle s’était retirée, et ce sentiment légitime reprendre toute sa puissance.

THYESTE.

Mon frère m’aimer ! on verrait plutôt l’Ourse du pôle se plonger dans l’Océan, l’onde impétueuse du détroit de Sicile se calmer, les moissons mûrir sur les flots de la mer Ionienne, la nuit sombre éclairer la terre, l’eau s’unir au feu, la mort à la vie, le vent faire un traité de paix et d’alliance éternelle avec la mer.

PLISTHÈNES.

Cependant quelle perfidie pouvez-vous craindre ?

THYESTE.

Toutes ! quelle mesure veux-tu que je mette à mes craintes ? Sa puissance à lui n’en a pas d’autres que sa haine.

PLISTHÈNES.

Que peut-il contre vous ?

THYESTE.

Pour moi-même je ne crains plus rien : c’est pour vous qu’Atrée me semble redoutable.

PLISTHÈNES.

Vous craignez sa perfidie, maintenant que vous êtes en sa puissance ! se garder du piège quand on y est tombé, c’est trop tard.