Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/223

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revoir, mon frère, venez dans mes bras, oublions toutes nos haines passées ; à partir de ce jour, n’écoutons plus que la voix du sang et de l’amitié fraternelle. Que tout sentiment coupable sorte à l’instant même de nos cœurs.

THYESTE.

Si vous n’étiez tel à mon égard, il me serait facile de prouver mon innocence ; mais j’aime mieux tout avouer : je le confesse donc, Atrée, j’ai commis autant de crimes que vous m’en avez imputé. Votre conduite actuelle rend ma cause mauvaise, et je sens qu’il faut avoir été vraiment coupable, pour avoir paru tel aux yeux d’un aussi bon frère. Je n’ai plus que mes larmes pour défense. Le premier de tous les mortels, vous me voyez à vos pieds. Ces mains qui n’ont jamais embrassé les genoux de personne embrassent les vôtres. Oubliez tous vos ressentimens, et que votre cœur s’apaise tout-à-fait envers moi. Recevez ces fils innocens comme ôtages de ma foi.

ATRÉE.

N’embrassez pas mes genoux, ô mon frère, mais plutôt venez dans mes bras. Et vous, nombreux appuis de notre vieillesse, venez vous suspendre à mon cou. Quittez, mon frère, ces vêtemens de deuil qui sont un reproche pour mes yeux, prenez des habits semblables aux miens, et recevez avec joie la moitié de mon royaume. Mon plus beau titre de gloire, c’est de sauver mon frère et de partager avec lui cette majesté royale que j’ai reçue de mon père. Avoir une couronne, c’est l’effet du hasard ; la donner, c’est l’ouvrage de la vertu.

THYESTE.

Que les dieux, mon frère, vous rendent le juste prix