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Scène III.

LE CHŒUR.

Qui le croirait ? le cruel Atrée, cet homme si dur, si emporté, si violent, s’est senti désarmé à l’aspect de son frère. Rien n’est fort comme la voix du sang. Les haines entre étrangers sont implacables ; mais les sentimens naturels reprennent toujours leur empire. La haine excitée par de graves motifs avait rompu l’harmonie et appelé la guerre ; les coursiers rapides avaient fait retentir sous leurs pas la terre de nos campagnes ; de part et d’autre, le glaive homicide a brillé, entre les mains furieuses du dieu des combats qui ne respire que carnage toujours nouveau ; mais voici que la voix du sang couvre le bruit des armes, réunit deux frères divisés, et les ramène malgré eux à la paix.

Quel dieu propice a fait succéder le calme à ce trouble cruel ? Tout-à-l’heure encore Mycènes retentissait du fracas de la guerre civile. Les mères pâles pressaient leurs enfans contre leur sein ; l’épouse tremblait pour son époux revêtu d’armes rouillées par les loisirs d’une longue paix, et qui ne servaient qu’à regret une fureur impie. Ici l’on travaille à relever des murs en ruines ; là ce sont des tours chancelantes qu’on raffermit, des portes qu’on fortifie par des chaînes de fer. Il faut faire une garde vigilante et passer des nuits inquiètes