Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/259

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sur la terre ; il est beau, quand on est couvert par la chute d’un empire, de ne point courber la tête sous un si grand poids, de ne point se laisser abattre, de marcher droit et ferme sous tant de ruines.



Mais dissipons ces ombres de ma vie, et chassons bien loin ces tristes images d’un temps qui n’est plus. Puisque la fortune me sourit, je dois lui sourire. Chassons de mon esprit le Thyeste passé. L’ordinaire défaut des malheureux, c’est de ne plus croire au bonheur. En vain le sort, devenu plus propice, les invite à la joie : pour avoir connu le malheur, ils ne savent plus être heureux.


Pourquoi ce retour de tristesse qui m’empêche de jouir d’un aussi beau jour ? pourquoi ces larmes qui tombent de mes yeux sans que j’en sache la cause ? pourquoi ne puis-je parer mon front de ces fleurs nouvelles ? Ah ! je ne le puis, je ne le puis. Les roses du printemps se détachent de ma tête ; les parfums qui baignent mes cheveux ne les empêchent pas de se dresser d’horreur, et mon visage est mouillé de larmes involontaires. Des cris lugubres se mêlent à mes chants. Ah ! je veux donner encore des larmes à ma douleur, les malheureux trouvent un charme cruel à pleurer : je veux pousser de tristes plaintes, je veux déchirer cette robe de pourpre, et remplir ce palais de mes hurlemens. Mon esprit