Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/265

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dans mon corps ? Je sens un poids qui m’accable, et j’entends résonner dans ma poitrine des gémissements qui ne sont pas les miens. Venez, ô mes enfans, votre malheureux père vous appelle ; venez, votre vue dissipera cette douleur. Mais d’où me parlent-ils donc ?

ATRÉE.

Ouvre tes bras, heureux père, les voici. Reconnais-tu tes enfans ?

THYESTE.

Je reconnais mon frère ! Peux-tu bien, ô terre, porter un pareil crime ! Tu ne te plonges pas avec nous dans l’abîme du Styx ! tes flancs ne se sont pas ouverts pour précipiter dans le gouffre du chaos ce royaume et son roi ! Mycènes n’est pas détruite, et ses maisons renversées ! nous ne sommes pas encore lui et moi dans l’enfer auprès de Tantale ! Entr’ouvre-toi d’une extrémité jusqu’à l’autre ; et, par la déchirure immense de tes entrailles, laisse-nous tomber dans un abîme plus profond que le Tartare, plus profond que celui où gémissent nos aïeux, s’il en est un dans un gouffre où l’Achéron nous couvre de tous ses flots. Que les âmes coupables se promènent sur nos têtes, et que le Phlégéthon brûlant, devenu l’instrument de notre supplice, roule sur nous ses sables embrasés. Ô terre, peux-tu rester ainsi comme une masse inerte et privée de sentiment ? Il n’y a plus de dieux.

ATRÉE.

Songe plutôt à recevoir avec amour tes enfans si impatiemment désirés : ton frère ne veut plus retarder ton bonheur ; jouis de leur présence, embrasse-les, partage entre eux tes caresses.