Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/317

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ANTIGONE.

Allez, ô ma mère, et précipitez vos pas. Désarmez ces frères, arrachez le glaive à leurs mains homicides. Exposez même votre sein nu à la rencontre de leurs coups, arrêtez cette guerre, ou soyez-en la première victime.

JOCASTE.

J’irai, j’irai ; je présenterai ma tête à leurs coups ; je me tiendrai au milieu d’eux. Le frère qui voudra tuer l’autre devra d’abord frapper sa mère : que le fils tendre pose les armes à la prière de sa mère ; que le fils dénaturé commence par elle. Ma vieillesse calmera la bouillante ardeur de ces jeunes hommes ; aucun crime ne sera commis devant moi ; ou, s’il peut s’en commettre même en ma présence, il s’en commettra plus d’un.

ANTIGONE.

Je vois leurs drapeaux qui se rapprochent, le terrible cri de guerre a retenti ; nous touchons au moment du crime, prévenez-le par vos prières. — On dirait que mes larmes les ont fléchis, tant les combattans s’avancent avec lenteur, les armes baissées. Mais si le gros de l’armée semble manquer d’ardeur, les chefs marchent d’un pas rapide.

JOCASTE.

Quel vent favorable m’emportera par les airs comme dans le tourbillon d’une tempête furieuse ? Que n’ai-je les ailes du Sphinx, ou des oiseaux du Stymphale qui forment dans leur vol un nuage épais pour cacher la lumière du jour ? Quelle Harpyie, traversant les airs pour s’abattre sur la table du cruel Phinée, me prendra