Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/369

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LA NOURRICE.

Vous me voyez suppliante à vos genoux ; par le respect dû à ces cheveux blanchis par l’âge, par ce cœur fatigué de soins, par ces mamelles qui vous ont nourrie, je vous en conjure, délivrez-vous de cette passion furieuse, et appelez la raison à votre secours. La volonté de guérir est un commencement de guérison.

PHÈDRE.

Tout sentiment de pudeur n’est pas encore éteint en moi, chère nourrice, je t’obéis. Il faut vaincre cet amour qui ne veut pas se laisser conduire. Je ne veux pas souiller ma gloire. Le seul moyen de me guérir, l’unique voie de salut qui me reste, c’est de suivre mon époux : j’échapperai au crime par la mort.

LA NOURRICE.

Ma fille, calmez ce transport furieux, modérez vos esprits. Vous méritez de vivre par cela seul que vous vous croyez digne de mort.

PHÈDRE.

Non, je suis décidée à mourir ; il ne me reste plus qu’à choisir l’instrument de mon trépas. Sera-ce un fatal lacet qui terminera mes jours, ou me jetterai-je sur la pointe d’une épée ? ou vaut-il mieux me précipiter du haut de la citadelle de Minerve ? C’en est fait, prenons en main l’arme qui doit venger ma pudeur.

LA NOURRICE.

Croyez-vous que ma vieillesse vous laisse ainsi courir à la mort ? Modérez cette fougue aveugle.

PHÈDRE.

Il n’est pas facile de ramener personne à la vie ; il