Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/375

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poids inaccoutumé. Le fils d’Alcmène, vaincu par l’Amour, a jeté son carquois et la dépouille effrayante du lion de Némée ; il a laissé emprisonner ses doigts dans des cercles d’émeraudes, et parfumer sa rude chevelure. Il a noué autour de ses jambes le cothurne d’or, et la molle sandale aux rubans couleur de feu. Sa main, qui tout-à-l’heure encore portait la pesante massue, tourne entre ses doigts les fuseaux légers. La Perse et l’opulente Lydie ont vu avec orgueil la peau terrible du lion laissée à terre, et ces fortes épaules, qui avaient porté le poids du ciel, revêtues d’une tunique efféminée de pourpre tyrienne. Le feu de l’amour (croyez-en ses victimes) est un feu sacré, qui brûle et qui dévore. Depuis les profondeurs de la mer jusqu’à la hauteur des astres lumineux, le cruel enfant règne en maître absolu ; ses traits brûlans vont chercher les Néréides au fond des eaux bleuâtres, et la fraîcheur des mers ne peut éteindre les feux qu’ils allument. Les oiseaux brûlent des mêmes flammes. Les taureaux, en proie à la fureur de Vénus, se livrent entre eux des combats horribles pour la possession d’un troupeau tout entier ; s’il craint pour sa compagne, le cerf timide se précipite avec rage sur son rival, et sa colère éclate dans ses cris. Les noirs habitans de l’Inde se troublent à la vue des tigres saisis d’une fureur amoureuse ; le sanglier aiguise ses défenses, et se couvre d’écume ; les lions d’Afrique secouent leur crinière avec violence, et les bois retentissent de cris épouvantables. Les monstres de la mer et les taureaux de Lucanie cèdent à l’aiguillon de l’Amour. Rien ne se dé-