Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/391

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vains honneurs et des richesses périssables ; il est libre d’espérance et de crainte ; il ne’redoute point les mor- sures empoisonnées de la sombre envie. Il ne connaît point ces crimes qui naissent dans les villes et dans les grandes réunions d’hommes. Sa conscience bourrelée ne le force point de trembler à tous les bruits qu’il entend. Il n’a point à déguiser sa pensée. Pour luipoint (le riche palais appuyé sur mille colonnes , point de lambris incrustés d’or. Sa piété ne verse point le sang à longs flots sur les autels cent 5 taureaux blancs parsemés de farine ne viennent point offrir la gorge au sacri- ficateur. Mais il jouit du libre espace et de la pureté du ciel, il marche dans son innocence et dans sa joie. Il ne sait tendre de piège qu’aux animaux sauvages ; épuisé de fatigues, il repose ses membres dans les claires eaux de l’Ilissus. Tantôt il suit dans ses détours le rapide Al- phée , tantôt il parcourt les bois épais qu’arrose la fraîche et limpide fontaine de Lerna. Il change de lieux à son gré : ici, il entend le chant plaintif des oiseaux mêlé au murmure des arbres agités par le vent, et aux frémis— semens des vieux hêtres. Tantôt il aime à s’asseoir sur les bords d’une onde errante, ouà goûter un doux sommeil sur de frais gazons, auprès d’une large fon- taine aux eaux rapides , ou d’un clair ruisseau qui s’é- chappe avec un doux murmure entre des fleurs nou- velles. Des fruits détachés des arbres lui servent à apai— ser sa faim, et les fraises cueillies sur leur tige légère lui fournissent une nourriture facile ; ce qu’il veut fuir surtout, c’est le luxe ambitieux des rois. Que les puis- sances du monde boivent le vin en tremblant dans des