Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/15

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raichit plus les poitrines essoufflées et brûlantes ; les légers Zéphyrs ont fui ; le soleil s’embrase de tous les feux de l’ardent Sirius que précède le terrible Lion de Némée ; les fleuves ont perdu leurs eaux et les prés leur verdure ; la fontaine de Dircé est tarie, et l’Ismène n’a plus qu’un filet d’eau qui peut à peine humecter son lit. La sœur d’Apollon passe invisible à travers le ciel, et une obscurité inconnue attriste l’univers. Les nuits, même les plus sereines, sont sans étoiles ; une lourde et sombre vapeur enveloppe la terre ; des ténèbres infernales voilent l’Olympe et les demeures des dieux. Cérès nous refuse ses trésors. Au moment où les blonds épis se balancent dans l’air, le fruit meurt sur sa tige desséchée. Personne n’échappe à ce fléau désastreux. Il frappe sans distinction d’âge ni de sexe, moissonne les jeunes gens et les vieillards, les pères et les enfants, joint l’époux et l’épouse sur le même bûcher. Le deuil et les pleurs n’accompagnent point les funérailles. Que dis-je ? la rigueur obstinée de ce mal terrible a tari la source des larmes, et (ce qui est le dernier terme de la douleur) les yeux demeurent secs. Ici c’est un père mourant, là une mère éperdue, qui portent leur enfant sur le bûcher, et se hâtent d’en aller prendre un autre pour lui rendre le même devoir. La mort même naît de la mort : ceux qui conduisent les convois tombent sans vie à côté de leur fardeau. On voit aussi des infortunés jeter leurs morts sur des bûchers allumés pour d’autres. On se dispute la flamme funéraire : le malheur étouffe tout