Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/25

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fleuve, n’a plus la force de soulever ses bras, et se lasse à passer la foule innombrable des âmes qui se pressent autour de sa large barque. On dit même que le chien du Tenare a brisé sa chaîne de fer, et qu’il rôde mainte— nant autour de nos demeures ; on dit que des mugisse- mens sont sortis de la terre, et qu’on a vu des spectres à figure d’homme, mais d’une taille plus (pi’l’iuniaine, errer dans nos bois : on dit que deux fois la forêt de Cadmus, secouant les neiges qui la couvrent, s’est ébranlée jusque dans ses racines' que deux fois la fon— taine de Direéa roule du sang dans son onde, et que, dans le silence des nuits, nos chiens ont fait entendre d’affreux inirlemens.

Image affreuse de la mort, plus cruelle que la mort même ! une langueur douloureuse engourdit nos mem— bres ; une rougeur maladive colore les visages parsen’ies de pustules ardentes ; la vapeur d’un feu dévorant en- flamme le siège de la pensée, et gonfle les joues de sang ; les yeux deviennent immobiles et tendus ; une chaleur infernale nous consume ; nos oreilles sont pleines de bruits. Un sang noir brise les veines et sort par les narines ; une toux intérieure et obstinée déchire nos entrailles. Alors on voit des malheureux étreindre avec force les marbres glacés ; d’autres, devenus libres par la mort de leurs gardiens, courent aux fontaines, et l’eau qu’ils boivent ne fait qu’irriter leur soif ardente. Une foule misérable se presse autour des autels, en in- voquant la mon, seule faveur que les dieux ne refu