Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’autre, avec le retentissement de la foudre, tandis que la mer, prise entre elles, lançait jusqu’aux nues ses vagues écumantes. Le courageux Tiphys pâlit à cette vue, et laissa le gouvernail échapper à sa main défaillante ; Orphée se tut, et sa lyre resta muette sous ses doigts ; Argo lui-même perdit l’usage de la parole, Eh ! quand la vierge du Pélore de Sicile, entourée de ses chiens furieux, les faisait aboyer tous à la fois, qui des navigateurs ne trembla de tous ses membres eu entendant tous ces cris poussés par un seul monstre ? Quelle dut être aussi leur terreur aux chants harmonieux des cruelles sirènes, entendues sur la mer d’Ausonie, et qui, accoutumées à retenir les vaisseaux par le charme de leur voix, se laissèrent presque entraîner aux doux accents de la lyre d’Orphée ?

Quel fut le prix de ce hardi voyage ? une toison d’or, et Médée plus cruelle que les flots mêmes, digne récompense des premiers navigateurs. Maintenant la mer est soumise, et se courbe sous nos lois : plus n’est besoin d’un navire construit par Minerve, et monté par des rois ; la moindre barque peut s’aventurer sur les flots : les bornes antiques sont renversées, et les peuples vont bâtir « les villes sur des terres nouvelles. Le monde est ouvert en tout sens, et rien plus n’est à sa place.