Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/281

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ne savent-ils donc trouver à mes malheurs que des remèdes pires que les maux ? si je veux garder la foi conjugale et la reconnaissance que je dois à mon épouse, il me faut dévouer ma tête à la mort ; si je ne veux pas mourir, je suis forcé de devenir parjure. Ce n’est pas la crainte pourtant qui me fait oublier mes engagement d’époux, c’est ma tendresse alarmée ; car la mort de mes enfants suivrait de près la nôtre. Si tu habites le ciel, sainte justice, je t’invoque, et te prends à témoignage ! c’est à mes enfants que je me dévoue ; leur mère elle-même, j’en suis sûr, malgré sa violence et son humeur intraitable, tient plus à ses enfants qu’à son époux. Je viens essayer l’effet de mes prières sur son âme irritée. Voici qu’à ma vue, elle s’agite et bondit de fureur ; la haine respire sur tous ses traits, et son visage exprime toute la colère qui bouillonne dans son cœur.

Médée

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Je fuis, Jason, je fuis ; l’exil n’est pas nouveau pour moi ; c’est la cause de l’exil qui est nouvelle. C’est pour toi que j’ai fui, jusqu’à ce jour ; maintenant…. je quitte ces lieux, je pars. Mais en me chassant de ton palais, où veux-tu que j’aille ? vers le Phase, à Colchos, dans le royaume de mon père, dans ces plaines arrosées du sang de mon frère ? en quel pays m’ordonnes-lu de porter mes pas ? quelles mers faut-il que je traverse encore ? le détroit de l’Euxin, par où j’ai ramené toute une armée de héros, en suivant un amant adultère à travers les Symplégades ? est-ce l’humble Iolchos, la Thessalie ou Tempe que tu me donnes pour séjour ? toutes les voies que je t’ai ouvertes, je me les suis fermées à moi-même.