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Scène II.

Médée

Je vous invoque, ombres silencieuses, divinités funèbres, aveugle Chaos, ténébreux palais du roi des enfers, cavernes de la mort défendues par les fleuves du Tartare ! Ames coupables, arrachez-vous un instant à vos supplices, et venez assister à ce nouvel hymen ! Que la roue qui déchire les membres d’Ixion s’arrête et le laisse toucher la terre ; que Tantale puisse enfin boire au gré de son envie les eaux de Pyrène. Il me faut pour le beau-père de mon époux le plus affreux de vos tourments. Que le rocher roulant de Sisyphe cesse de fatiguer ses bras ; et vous, Danaïdes, qui vous consumez en vain à remplir vos tonneaux, venez toutes, l’œuvre qui doit s’accomplir en ce jour est digne de vous ! Et toi, qu’appellent mes enchantements, astre des nuits, descends sur la terre sous la forme la plus sinistre, et avec toutes les terreurs qu’inspirent tes trois visages !

C’est pour toi que, suivant l’usage de mon pays, brisant les nœuds qui retiennent ma chevelure, j’ai erré pieds nus dans les forêts solitaires, fait tomber la pluie par un ciel sans nuages, abaissé les mers, et contraint l’Océan de refouler ses vagues impuissantes jusque dans ses plus profonds abîmes. J’ai, par ma puissance, troublé l’harmonie des mondes, fait luire en même temps le flambeau du jour et les astres de la nuit, et forcé l’Ourse du pôle à se plonger dans les flots qu’elle ne doit jamais toucher. J’ai changé l’ordre des saisons ; j’ai fait naître