Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/313

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sombre et effrayante, et resserre la courbe qu’elle doit décrire dans le ciel. J’aime cette lumière pâle et blafarde que tu verses dans les airs, ô déesse ; frappe les nations d’une horreur inconnue ; le son des cymbales corinthiennes va venir à ton secours ; je l’offre un sacrifice solennel sur des gazons sanglants, et j’en allume le feu nocturne avec cette torche retirée du milieu des tombeaux. C’est pour toi qu’en tournant ainsi ma tête, je prononce les paroles sacrées ; c’est pour toi que mes cheveux épars sont à peine retenus par une bandelette flottante, comme dans la cérémonie des funérailles ; c’est pour toi que je secoue ce rameau de cyprès trempé dans les eaux du Styx ; c’est pour toi que, découvrant mon sein jusqu’à la ceinture, je vais me percer les bras avec ce couteau sacré, et répandre mon sang sur l’autel. Accoutume-toi, ma main, à tirer le glaive, et à faire couler un sang qui m’est cher. Je me suis frappée, et la liqueur sacrée s’est répandue. Si tu trouves que je t’invoque trop souvent, pardonne à mes prières importunes. Aujourd’hui, comme toujours, c’est Jason qui me force d’implorer ton assistance. Pénètre d’un venin puissant cette robe que je destine à Creuse ; et qu’aussitôt qu’elle l’aura revêtue, il en sorte une flamme active qui dévore jusqu’à la moelle de ses os. J’ai enfermé dans ce collier d’or un feu invisible que j’ai reçu de Prométhée, si cruellement puni pour le vol qu’il a fait au ciel, et qui m’a enseigné l’art d’en combiner la puissance funeste. Vulcain aussi m’a donné un autre feu caché sous une mince enveloppe de soufre. J’ai de plus des feux vivants de la foudre, tirés du corps de Phaéton, enfant du Soleil ainsi que moi.