Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/129

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que la mère du superbe Hercule a pris un époux. Quelle pierre insensible, quelle roche de Scythie a mis au monde cet homme cruel ? Est-ce le Rhodope qui t’a vu naître, farouche Titan, ou l’Athos orgueilleux ? as-tu sucé le lait de quelque bête farouche du Caucase ? C’est à tort qu’on parle de deux nuits amoureuses dans lesquelles tu fus conçu, des astres arrêtés dans leur cours, de l’étoile du soir faisant les fonctions de l’étoile du matin, et du soleil retardé, parce que sa sœur ne voulait pas lui céder le ciel.

Ses membres sont invulnérables ; le fer s’émousse en les louchant, et l’acier a moins de force : l’épée se brise sur son corps, et les pierres en rejaillissent comme si elles avaient heurté une autre pierre. Dans sa vigueur indomptable, il brave la mort, et la provoque : rien ne peut l’entamer, ni la lance, ni la flèche du Scythe, ni les traits du Sarmate glacé, ni ceux que sous la zone brûlante le Parthe décoche contre le Nabathéen, avec plus d’adresse et de certitude que ne font les archers de Crète.

Sans armes, il a renversé les murs d’Œchalie ; rien ne peut l’arrêter ; ce qu’il veut vaincre, il l’a déjà vaincu ; et même il n’a pas besoin de frapper : il n’a qu’à montrer son visage plus terrible que la mort, rien ne subsiste devant ses menaces. Quel gigantesque Briarée, quel orgueilleux Cygès, entassant les montagnes de Thessalie pour élever jusqu’au ciel ses bras de serpent, n’est pas resté éperdu à l’aspect de ce terrible visage ? Mais une consolation des grandes misères, c’est qu’il n’y a plus