Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/143

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vente des châtiments affreux, épouvantables, inouïs ! Montre à Junon ce que peut une véritable haine : elle ne sait pas haïr.

Perfide ! c’est pour moi qu’il allait aux combats ; c’est pour moi que les eaux errantes d’Achéloüs se teignirent de son sang, malgré la résistance de ce fleuve qui tantôt se traînait à longs replis, comme un serpent, et tantôt, par une autre métamorphose, se dressait en taureau furieux, de manière à donner à Hercule cent monstres à vaincre en un seul. Maintenant j’ai cessé de te plaire ; une esclave a sur moi la préférence ! elle ne l’aura pas longtemps : le dernier jour de notre union conjugale sera aussi le dernier de ta vie.

Mais quoi ! mon âme recule et ma colère tombe ! N’ai-je donc plus de ressentiment, et ma haine s’affaiblit-elle ? Oui, ma fureur s’est éteinte, et les sentiments d’une fidèle épouse la remplacent dans mon cœur. Pourquoi calmer ce feu qui me brûle, ô mon âme ! nourris-le plutôt, et entretiens l’ardeur de mes transports : ils me donnent une force égale à celle d’Hercule, et qui ne me laisse plus de vœux à former. Junon viendra elle-même à son secours, et conduira mes mains sans qu’il soit besoin que je l’invoque.

La Nourrice

Insensée ! quel crime voulez-vous commettre ? donnerez-vous la mort à votre époux, dont les hauts faits sont connus d’une extrémité du monde à l’autre, et dont la renommée touche le ciel en s’appuyant sur la terre ? Pour venger sa mort, l’univers tout entier se lèvera ; là maison de votre père et toute l’Etolie périront d’abord