Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que je veux descendre chez les morts, mais non pas sans vengeance : si ma rivale porte dans son sein quelque enfant de mon Hercule, je veux, avant de mourir, l’en arracher de mes mains, et attaquer iole au milieu même des torches de son hymen. Que le cruel me frappe comme une victime au jour de sa perfidie, j’y consens, pourvu que je tombe sur ma rivale mourante. On est heureux de mourir en écrasant ceux que l’on déteste.

La Nourrice

Pourquoi nourrir ainsi le feu qui vous dévore, et augmenter à plaisir une haine furieuse ? pourquoi céder à une crainte frivole ? Il a aimé Iole, mais quand le palais de son père était encore debout, et qu’elle était fille de roi. Maintenant cette princesse n’est plus qu’une esclave ; l’amour d’Hercule a perdu sa force, et le malheur de l’objet aimé l’a presque réduit à rien ; d’ailleurs, on se passionne toujours pour ce qu’on ne peut avoir, et l’on dédaigne ce que l’on possède.

Déjanire

Au contraire, le malheur est un aiguillon pour l’amour : ce qui lui fait chérir Iole, c’est qu’elle est privée du palais de ses pères, c’est que sa chevelure n’a plus ni or ni diamants pour l’embellir. La pitié l’attache à cette infortunée, et nous savons que c’est son habitude de se passionner pour ses captives.

La Nourrice

Oui, mais pour peu de temps ; comme il fit de la sœur de Priam, qu’il céda bientôt au compagnon de sa victoire. Ainsi de toutes les femmes et de toutes les vierges qu’il a aimées ; ce n’a été qu’une flamme passagère :