Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/151

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l’abattement de son visage, sa beauté brille à travers sa misère, et l’on voit que le malheur et la fortune cruelle ne lui ont ravi que le royaume de son père. Voilà, chère nourrice, le sujet de ma crainte, voilà ce qui m’ôte le sommeil. J’étais une épouse glorieuse devant tout l’univers : il n’y avait point de femme qui ne fut jalouse de mon bonheur ; elles le demandaient toutes au ciel dans leurs prières, et les beautés de la Grèce voyaient en moi la mesure de leurs vœux. Où pourrai-je trouver un beau-père égal à Jupiter ? le monde aurait-il à me fournir un autre époux comme le mien ? Eurysthée commande à Hercule ; mais quand il m’offrirait sa main, j’y perdrais encore : ne point partager la couche d’un roi, c’est un léger malheur ; mais être bannie de celle d’Hercule, c’est tomber de bien haut.

La Nourrice

La fécondité d’une femme est un lien qui lui conserve presque toujours le cœur de son époux.

Déjanire

Peut-être aussi elle fera qu’une rivale partagera ma couche.

La Nourrice

Cette captive, après tout, n’est qu’un présent qu’il veut vous offrir.

Déjanire

Non, cet Hercule que tu vois parcourir les villes en conquérant, qui porte sur son dos la dépouille du lion de Némée, qui donne le sceptre aux malheureux et le ravit aux superbes, qui marche toujours armé de sa pesante massue ; ce héros dont les peuples lointains de la