Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/187

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au soleil pour fournir toute sa carrière et plonger dans la mer ses chevaux fatigués. Là, sur une roche élevée que jamais aucun nuage ne couvre, brille le temple antique de Jupiter Cénéen. Hercule avait fait conduire au pied des autels toutes les victimes qu’il voulait immoler, et la voix des taureaux aux cornes dorées retentissait dans toute l’étendue du bois sacré ; il dépouille alors la peau sanglante du lion de Némée, pose à terre sa lourde massue, et détache son carquois de ses fortes épaules. Revêtu de la brillante robe qu’il a reçue de vous, et le front ceint des rameaux blancs du peuplier, il allume le feu sur les autels : « O mon véritable père ! dit-il, reçois l’odeur de ces parfums qui brûlent sur tes larges brasiers, et de cet encens que l’Arabe, adorateur du soleil, recueille sur les arbres de Saba. La terre, le ciel et les mers jouissent d’une paix profonde ; tous les monstres sont tombés sous la puissance de mon bras ; laisse reposer la foudre. » Sa prière est entrecoupée d’un gémissement qui l’étonné lui-même : alors il remplit l’air d’un cri terrible, comme un taureau qui, blessé et emportant la hache dans sa plaie, s’échappe et fait trembler le temple qu’il remplit de ses mugissements ; pareil au bruit du tonnerre qui gronde est le cri dont Alcide ébranle les cieux et les mers. Chalcis en retentit au loin, toutes les Cyclades en résonnent, les roches de Capharée et tous les bois d’alentour répètent le gémissement d’Hercule. Nous le voyons pleurer : nous nous imaginons que son ancienne rage est revenue. Ses serviteurs prennent la fuite : mais lui, terrible et l’œil tout en feu, ne cherche et ne poursuit que lichas. Le malheureux s’at-