Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/19

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mais assurés d’un seul jour. Mille soucis renaissans les travaillent, et chaque moment soulève de nouvelles tempêtes dans leur sein. Les tourmentes qui battent les vagues émues entre les deux Syrtes d’Afrique, les orages qui remuent jusque dans ses dernières profondeurs l’Euxin, voisin du pôle glacial, et soumis à la brillante constellation du Bouvier qui jamais ne se plonge dans l’azur des mers, sont moins furieux et moins effroyables que ces révolutions qui précipitent la fortune des rois. Ils aiment et craignent tout ensemble la terreur qu’ils inspirent. La nuit n’a point pour eux de sûr asil ; le sommeil qui endort toutes les douleurs ne peut suspendre le cours de leurs alarmes.

Quels palais de roi le crime et la vengeance n’ont-ils pas renversés ? quel trône n’est pas ébranlé par une guerre impie ? La justice, l’honneur, la foi sacrée du lit conjugal, s’exilent des cours ; à leur place vient Bellone aux mains ensanglantées, et la cruelle Erinnys, qui enfonce au cœur des superbes ses brûlans aiguillons, et s’attache aux maisons trop puissantes qui sont destinées à périr en un moment.

Sans combats même et sans perfidies, les grandes choses tombent et s’affaissent sous leur propre poids ; cette haute fortune vient à ne pouvoir plus se porter elle-même. Les voiles, enflées par un vent favorable, craignent le souffle impétueux qui les emporte. La tour, qui