Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/193

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enlèvera un lambeau de mon corps. Mes mains sanglantes resteront suspendues aux ronces, et les âpres flancs de la montagne seront rougis de mon sang. C’est peu d’une seule mort, c’est peu, mais on peut la multiplier. Tu ne sais quelle arme choisir pour t’en frapper ? plût au ciel que l’épée d’Hercule fût encore suspendue à son lit nuptial ! voilà le fer qui doit me percer. Mais est-ce assez périr que de périr d’une seule main ? Rassemblez-vous contre moi, peuples de la terre ; que le monde tout entier s’unisse pour m’accabler de pierres et de torches enflammées : point de mains oisives ; armez-vous : c’est moi qui vous ai ravi votre vengeur. Les tyrans désormais pourront abuser impunément de leur puissance ; désormais tous les fléaux pourront exercer impunément leurs ravages : on relèvera les autels accoutumés à recevoir des victimes semblables au sacrificateur qui les immole : j’ai ouvert la porte à tous les crimes. C’est moi qui ai livré le monde aux tyrans, aux rois, aux monstres, aux bêtes féroces, aux divinités cruelles, en le privant de son défenseur. Épouse de Jupiter, pourquoi ne prends-tu pas en main la foudre de ton frère pour la lancer contre moi, et me tuer ainsi toi-même ? venge-toi, car je t’ai privée d’une gloire immense et d’un triomphe bien cher à ton cœur, en faisant mourir ce rival qui devait tomber sous tes coups.

La Nourrice

Voulez-vous donc combler la ruine de votre maison ? Tout votre crime n’est que la suite d’une erreur. On n’est pas coupable, quand on ne l’est pas volontairement.