Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/205

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elle ? pourquoi détournes-tu les yeux ? ce crime de ta part serait un acte d’amour. Tu hésites, lâche ! c’est moi, c’est moi qui te ravis Hercule, ce père qui te rendait le petit-fils du maître de la foudre : je t’ai ôté plus de gloire par cette action, que je ne t’en ai donné en te mettant au monde. Si tu ne sais pas commettre le crime, ta mère te l’apprendra. Veux-tu enfoncer une épée dans ma gorge, ou frapper mon sein ? j’attendrai tes coups d’une âme intrépide. Ce crime ne sera pas commis par toi seul : ta main me tuera, mais guidée par ma volonté. Fils d’Hercule, tu n’oses ? alors ne va donc jamais par le monde, pour exécuter les ordres d’un maître, et terrasser les monstres ; ou plutôt continue l’œuvre de ton père, et affermis tes bras : tiens, j’offre à tes coups ce cœur dévoré de chagrins ; frappe. Je ne t’imputerai point ce crime ; les Furies elles-mêmes n’en poursuivront pas la vengeance….. Mais un bruit de fouets s’est fait entendre. Quelle est cette femme aux cheveux entortillés de serpents qui viennent frapper ses tempes hideuses ? Pourquoi me poursuis-tu avec cette torche enflammée, ô Mégère ! Hercule demande vengeance, il sera vengé. Les juges de l’enfer sont-ils assis déjà sur leur tribunal, ô déesse ! Mais voici les portes du sombre empire qui s’ouvrent devant moi. Quel est ce vieillard qui roule sur ses épaules déchirées cette énorme pierre ? Arrivée presque au sommet de la montagne, la roche est prête à retomber. Quel est ce coupable attaché à une roue ? La pâle Tisiphone se tient là devant moi, et s’apprête à me frapper….. Ne me frappe pas, Mégère ; détourne de moi tes feux vengeurs. Mon crime est celui de l’amour.