Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/223

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brisé la puissance de Pluton. La mort m’a toujours fui pour ôter à mon courage l’honneur d’un glorieux, trépas. O monstres ! monstres que j’ai vaincus. Le chien aux trois têtes n’a pu me ramener au fond des enfers, quand je lui ai fait voir le soleil ; le triple Géryon, ce cruel berger de l’Hespérie, n’a pu m’abattre sous la masse de ses trois corps ; les deux serpents n’ont pu me nuire. Que de fois, hélas ! j’ai manqué une mort glorieuse ! et maintenant par où vais-je clore la liste de mes exploits ?

Le Chœur

Voyez comme son noble cœur ne témoigne aucune crainte du Léthé. Ce qui l’afflige, c’est l’auteur de son trépas, et non le trépas lui-même. Il voudrait finir sa vie écrasé sous la masse énorme des Géants ; il voudrait mourir par la main du Titan que presse le poids d’une montagne, ou par la dent de quelque bête furieuse. Mais s’il te paraît dur de ne point devoir ta mort à quelque monstre ni à quelque Titan, quelle autre main que la tienne, ô Hercule ! sera digne de trancher le fil de tes jours ?

Hercule

Hélas ! quel scorpion brûlant, quel cancer détaché de la zone torride s’attache à mes entrailles et les brûle ? Mes poumons, autrefois gonflés de sang, ont perdu leur force, et mes fibres desséchées se distendent : mon foie aride s’enflamme ; une chaleur lente a dévoré tout mon sang. L’épiderme est déjà consumé ; le poison s’est ouvert par là une entrée dans l’intérieur de mon corps ; il a mis mes côtes à nu, il a dévoré mes articulations, et