Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/267

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élève sans pâlir la torche de l’Œta. Mais tu trembles ! est-ce que tu crains de commettre un crime ? Rends-moi donc mes flèches, homme lâche, pusillanime et sans force : voilà donc les bras qui doivent tendre mon arc ! Pourquoi cette pâleur sur tes joues ? prends cette torche avec le même courage que tu me vois l’attendre. Regarde, malheureux, celui que tu vas brûler. Voici déjà mon père qui m’appelle et m’ouvre les cieux. Je viens, mon père, je viens. »

Alors son visage prend une expression nouvelle. Moi, je saisis un pin enflammé, et l’approche du bûcher. Le feu recule, les torches refusent d’embraser le bois, et se retirent d’Hercule ; mais lui poursuit le feu qui s éloigne. Vous croiriez voir brûler le Caucase, le Pinde ou l’Athos. Aucun cri ne sort de la bouche du héros ; la flamme seule fait entendre un sourd gémissement.

O fermeté d’âme incroyable ! le gigantesque Typhon, et le fier Encelade qui chargea l’Ossa sur ses épaules, n’eussent pu s’empêcher de gémir au milieu de ces flammes ; mais lui, se dressant au dessus des feux, à demi brûlé, déchiré, tout rouge, mais toujours intrépide : « Maintenant, dit-il, ô ma mère ! vous êtes digne d’Hercule ; c’est ainsi qu’il vous convient d’assister aux funérailles de votre fils, et de pleurer sa mort. » Environné de tant de feux, pris dans ce cercle brûlant, il demeure immobile et inébranlable ; on ne le voit point se tordre de douleur, ni se tourner pour changer de position, mais il nous encourage et nous fortifie. Il ne veut pas rester oisif dans cet instant même : il inspire la